Financement éthique multi-sources : une innovation pour l'immobilier mixte professionnel
En France, nous avons des idées et des talents…et nous avançons sereinement dans la finance conforme à l’éthique musulmane malgré les obstacles trop souvent décriés.
En effet, nous venons de relever un défi qui semblait à première vue insurmontable : permettre à un entrepreneur d'acquérir un ensemble immobilier d'1 million d'euros sans disposer ni de l'apport conséquent ni de la capacité d'endettement habituellement exigés par les établissements financiers.
L'ensemble immobilier en question présentait un potentiel intéressant : deux bâtiments distincts comprenant un immeuble de bureaux (avec un rez-de-chaussée loué et un étage disponible) et un immeuble d'habitation exploité en location saisonnière.
Les revenus locatifs existants s'élevaient à 52 000 € annuels (25k€ pour le RDC loué et 27K€ pour les lots d’habitation), avec un potentiel d'environ 30 000 € supplémentaires après prise en location de l'étage de bureaux par l’entrepreneur occupant.
La limite du financement traditionnel
Notre première approche a été d'explorer un financement Murabaha en pleine propriété, pour lequel, la banque partenaire achète la totalité des immeubles et les revend à tempérament avec sa marge intégrée. Mais cela ne convenait pas au profil de notre entrepreneur porteur du projet :
Financement sur 15 ans maximum (contrainte de durée hors résidence principal)
Taux annuel supérieur à 4,5% (sur des locaux mixtes)
Mensualité résultante d'environ 5 830 €
Ces conditions rendaient le projet impossible pour notre porteur de projet qui ne pouvait ni mobiliser un tel apport, ni justifier d'une capacité d'endettement suffisante (contrainte des 33% de taux d'endettement maximum).
L'innovation par le financement multi-sources
Face à cette impasse, nous avons conçu une approche inédite en France : un montage financier éthique combinant trois instruments différents, chacun adapté à une partie spécifique du bien.
1. L'immeuble d'habitation : intégrer une musharaka (indivision) dans la murabaha
Pour l'immeuble d’habitation, nous avons mis en place une coacquisition avec la banque sous forme d'indivision avec revente en licitation sur 13 ans. La mensualité de 2 250 € est parfaitement couverte par les revenus locatifs existants de cet immeuble.
2. L'immeuble de bureaux : une approche duale
Pour l'immeuble de bureaux, nous avons dissocié le financement en deux parties :
Pour l'étage libre : Négociation d'un crédit vendeur de 300 000 € sur 5 ans, soit une annuité de 60 000 €. C’est vrai que le contexte économique actuel est plutôt favorable à négocier ce genre de facilité de paiement, les vendeurs savent pertinemment qu’une vente sans condition pour un telle valeur d’immeuble est moins certaine
Pour le rez-de-chaussée déjà loué : Mise en place d’un programme d’immobilier fractionné sous forme de Sukuk (certificats d'investissement adossé à la propriété immobilière) pour 400 000 € offrant un rendement cible de 6% aux investisseurs, ceci ne profitant en rien au porteur du projet mais lui donnant une option de prendre la suite de ces investisseurs aux termes du contrat de Sukuk de 5 ans
3. Le résultat : un projet viable
Cette structure innovante a permis de réduire l'apport initial à 90 000 € (contre 250 000 € initialement) et d'aligner parfaitement les charges financières avec les revenus locatifs existants et projetés et d’en faire un support d’investissement profitable pour plusieurs centaines d’investisseurs privés par le biais des Sukuk.
Les avantages de cette approche pour l'immobilier professionnel
Accessibilité financière
La réduction conséquente de l'apport initial (de 250 000 € à 90 000 €) rend accessible des projets immobiliers à des entrepreneurs qui souhaitent devenir propriétaire de leurs locaux professionnels souvent exclus de ce genre de rêve. Cette démocratisation de l'accès à la propriété commerciale représente une avancée significative pour les PME et entrepreneurs individuels.
Phasage intelligent de l'acquisition
Le montage permet une acquisition progressive du bien :
À court terme (5 ans) : Remboursement du crédit vendeur pour l'étage de bureaux
À moyen terme (13 ans) : Acquisition complète de l'immeuble d'habitation via la murabaha
À long terme : Option de rachat des Sukuk ou renouvellement du financement
Alignement des flux financiers
Chaque composante du financement est adossée à une source de revenus identifiée :
Les loyers de l'immeuble d'habitation couvrent exactement la mensualité de musharaka
Les revenus de l'étage une fois loué permettent de rembourser le crédit vendeur
Les loyers du rez-de-chaussée assurent le rendement des Sukuk
Flexibilité et évolutivité
Le montage offre des points de décision stratégiques, notamment à l'issue des 5 premières années, permettant au porteur de projet d'ajuster sa stratégie en fonction de l'évolution du marché et de ses capacités financières.
Applications pratiques pour l'immobilier professionnel en France
1. Acquisition de locaux commerciaux multi-usages
Cette approche est particulièrement adaptée aux ensembles immobiliers mixtes (commerces, bureaux, espaces de stockage) où chaque composante peut être financée selon son profil de risque et de rendement, notamment pour les PME qui souhaitent devenir propriétaire-occupants.
2. Reconversion de bureaux ou locaux à réhabiliter
Le phasage du financement permet d'aborder sereinement des projets de reconversion complexes, en séquençant les investissements selon les étapes du projet (acquisition, réhabilitation, commercialisation).
3. Immobilier productif pour les pros des secteurs médical, alimentaire ou services
Pour un pro souhaitant acquérir ses locaux d'exploitation, cette structure permet d'adapter le financement aux différents espaces (habitation, bureaux, locatif) selon leur contribution à la création de valeur.
Défis et points d'attention
Si cette approche ouvre des perspectives passionnantes, elle présente également quelques défis :
Complexité juridique
Le montage nécessite une expertise pointue en structuration financière et juridique, ainsi qu'une bonne compréhension des principes de la finance éthique.
Importance de la qualité locative
La solidité du montage repose en grande partie sur la capacité à maintenir des niveaux de location élevés, ce qui exige une gestion locative rigoureuse et un positionnement commercial pertinent.
Communication entre parties prenantes
La multiplicité des acteurs impliqués (banque, vendeur, investisseurs Sukuk sans oublier notaires et agents immobilier) nécessite une coordination claire et une communication transparente.
Conclusion : une innovation porteuse d'avenir
Cette expérience démontre qu'il est possible d'innover en matière de financement immobilier professionnel, en s'inspirant des principes de la finance éthique où le risque et le rendement sont équitablement partagés entre les parties prenantes. L’objectif étant le partage de la valeur.
Au-delà de ce cas particulier, cette approche multi-sources ouvre la voie à de nouveaux modèles de propriété partagée et de financement participatif de l'immobilier professionnel, répondant ainsi aux enjeux d'une économie plus inclusive et collaborative.
Dans un contexte où l'accès à l'immobilier professionnel constitue souvent un frein majeur au développement des entreprises, particulièrement pour les PME et entrepreneurs, ces innovations financières représentent un levier de croissance et d'autonomie stratégique considérable.
À l'heure où le marché immobilier se transforme sous l'effet des nouvelles attentes des entreprises et des évolutions des modes de travail, cette flexibilité financière pourrait bien devenir un avantage compétitif décisif pour les entrepreneurs visionnaires. Et nous espérons être à leurs côtés, qu’ils soient dans les secteurs de la Santé et de l’Education, les 2 piliers de notre stratégie en SCPI jusqu’à présent, mais aussi dans le monde de la restauration et des professions libérales en général.